"Customer centric" (centré sur le client), "UX" (expérience utilisateurs), "NPS" (Net Promoter Score), "CES" (Customer Effort Score), autant de mots du jargon marketing et communication, qui ont tous un point commun : le client. Et nous avons tous un point commun, quelle que soit notre activité (même si l'on est une association à but non lucratif) : les clients !
L'évolution actuelle de notre économie vers une digitalisation accélérée a remis le client au centre de toutes les réflexions, et il était temps. Terminé le temps où les marques s'endormaient sur les lauriers de leur aura, renforcée par des campagnes de communication "choc" qui rassuraient les consommateurs sur la valeur de la marque... Désormais, les clients, consommateurs ou entreprises, demandent un contact plus direct avec les marques, les produits et services qu'ils souhaitent acheter.
Aujourd'hui, les marques, les sociétés doivent impérativement augmenter le nombre et les occasions d'interagir avec leurs clients, pour les rencontrer là où ils se trouvent. Olivier Badot, Doyen à la Recherche et professeur à ESCP Europe, employait récemment une expression pour qualifier le commerce d'aujourd'hui : il est "visqueux". Pour reprendre ses mots, celui-ci "colle aux besoins, envies, usages, lieux des consommateurs".
Pour une société dont les biens ou les services touchent directement les consommateurs, le client est présent partout ! Dans les magasins, devant son écran de TV ou à côté de sa radio, dans les réseaux sociaux, sur les sites internet, partout ! Omniprésent grâce aux fonctionnalités d'un Smartphone qui s'est mu en véritable assistant de vie, et qui conjugue en un même espace ultra-restreint un appareil photo, un magnétophone, une caméra, un agenda, un gps, une calculatrice, un terminal de paiement, une lampe torche, un miroir, un ordinateur, un bloc-notes, une télé, une radio, une télécommande télé (!), une console de jeux vidéos, et tout un tas d'autres choses (même une fonction téléphone !).
L'un des écueils dans les entreprises, souvent illustré dans des articles que je partage dans les réseaux sociaux, consiste à envisager une transformation digitale "pour le digital", sans remettre en question la culture même de l'entreprise, qui doit obligatoirement évoluer en parallèle de la mise à niveau technologique. Car mettre le client au cœur de sa stratégie ne doit pas se limiter à un beau slogan écrit sur les documents de l'entreprise, mais se transformer en réalité. Et ce n'est certes pas une évolution qu'on peut qualifier de long fleuve tranquille.
Alors quoi de mieux, pour que l'entreprise amorce ce virage, et se positionne au plus près des attentes de ses clients, que de les interroger sur leur satisfaction ?
J'avais, dans ma précédente organisation (Amplifon), déjà mené un tel projet, et découvert la force et l'impact de la mise en place de ce type de mesure. Mais cet article m'est venu à l'esprit grâce à l'un de mes clients, Valdelia, qui est un éco-organisme chargé par le Ministère de l'environnement de collecter et de recycler les meubles professionnels usagés en France. Valdelia souhaite améliorer son écoute clients, et entreprend de mettre en place une démarche de mesure de leur satisfaction.
En accompagnant Valdelia, j'ai réalisé que cette démarche était vertueuse à bien des égards, tant et si bien que j'ai réussi à isoler non pas 10, ni 11, mais bien 12 arguments qui devraient convaincre tous les managers de mettre en place un tel projet !
1. Réfléchir à son organisation, ses process, la circulation de l'information
Entamer une démarche de mesure de la satisfaction client oblige à se poser des questions essentielles avant même le démarrage du projet :
· Qui est au contact des clients dans mon organisation aujourd'hui ?
· Quel est le parcours du client dans sa relation avec ma société ? Quels points de contact peut-on identifier ?
· Quelle est la durée de mon tunnel de conversion ?
· Comment communiquent les différents services au contact avec les clients, dans mon organisation ?
· Comment sont tracées les remontées de l'insatisfaction (ou de la satisfaction !) des clients dans ma société ? Qui y répond, et comment y répond-on ?
En se posant ces questions, l'entreprise établit une première cartographie des relations de l'entreprise avec ses clients, et avant même d'avoir posé la moindre question, peut commencer à identifier des points de blocage, et des "nœuds" dans l'organisation, qui compromettent la gestion d'une relation client optimale.
2. Savoir "vraiment" comment nos clients nous perçoivent
Demander son avis au client permet d'apporter de la clairvoyance aux managers de l'entreprise, et ainsi s'affranchir des avis forcément biaisés des différents services de l'entreprise.
Nous avons d'un côté les équipes marketing et communication enchantées du succès de leur nouvelle campagne de communication sur l'augmentation de la notoriété de leur marque, et qui sont convaincus que les clients en général apprécient leur entreprise... Et d'un autre côté les personnes en contact direct avec le client, souvent appelé "front office" : les ventes, le centre de relations clients, les services "exploitation", etc., qui accueillent chaque jour leur lot de clients parfois mécontents. Ceux-ci, parce qu’ils sont potentiellement plus exposés à l’insatisfaction, auront peut-être une vision plus négative de la perception que les clients ont de l’entreprise.
Pour mesurer la satisfaction, on pourra interroger le client dans l'instant de sa relation avec l'entreprise (après une livraison, après un échange téléphonique avec un conseiller, après un passage sur le site web...), ce qu'on qualifierait d'évaluation "transactionnelle", ou a posteriori afin que celui-ci évoque son ressenti "à froid" sur la marque, ce que l'on qualifierait d'évaluation "relationnelle". Les informations fournies permettront ainsi de relativiser un trop grand optimisme ou pessimisme de part et d'autre. Et surtout, d’identifier les opportunités de satisfaire encore plus le client, et de cerner où se trouvent les éventuelles difficultés dans l'organisation, qui empêchent que la relation client ne se déroule au mieux.
3. Identifier rapidement les clients mécontents et mettre en place un processus efficace de traitement de ces insatisfactions
On pourrait croire en la légendaire réputation des français en tant que "râleurs" invétérés, mais en réalité, 96% des clients insatisfaits ne se manifestent pas auprès de l’entreprise concernée (Source : Critzr) … Or, un client mécontent non seulement ne fera potentiellement plus appel à vous, mais de surcroît pourra générer du bouche-à-oreilles négatif, ce qui est particulièrement facile via internet aujourd’hui. Et les conséquences sur l’image de l’entreprise pourront être mauvaises et… presque immédiates.
Il est donc capital d’identifier les clients insatisfaits et de leur répondre au plus vite.
Pour mettre en place un pilotage simple de la mesure de la satisfaction client, il existe des indicateurs simples qui se généralisent dans les entreprises. Le "NPS" (Net Promoter Score), en fait partie. Il consiste à poser la question suivante à votre client, à la fin de votre questionnaire : "Recommanderiez-vous XXX à votre entourage ?".
Basée sur une échelle simple de 0 à 10 (0 correspondant « pas du tout » et 10 à « absolument »), cette question permet de classer les répondants à travers 3 grandes catégories :
- Les "promoteurs", qui ont donné un score de 9 ou 10
- Les "détracteurs", qui ont donné un score entre 0 et 6
- Les "passifs", qui ont donné un score de 7 ou 8
Le Net Promoter Score (NPS) est le résultat de la soustraction : %promoteurs - %détracteurs : par exemple, 40% des clients ont donné une note de 9 ou 10, et 25% ont donné une note entre 0 et 6 : le NPS dans ce cas est égal à 15%.
Poser clairement la question utilisée pour calculer le NPS permet d’identifier les clients mécontents de façon quasiment instantanée.
Il est donc important que l’organisation puisse garantir que ces "détracteurs" soient très rapidement recontactés suite à leur évaluation, afin de faire le point avec eux. Il faut dans ce cas les écouter, ne pas hésiter à leur proposer un geste commercial, en bref s’assurer que la relation n’est pas rompue et qu’une solution sera trouvée à leur problème.
D'après une étude réalisée par la société Critzr, 81% des détracteurs rappelés suite à une mauvaise évaluation, ont mieux noté l'entreprise lors d'une sollicitation ultérieure. Il est effectivement prouvé qu’une relation client peut se trouver renforcée par la bonne gestion par l’entreprise d’une situation de "crise" au départ.
L’insatisfaction serait-elle un moyen de générer de nouveau ambassadeurs ?!
4. Augmenter la fidélisation, moins onéreuse que la conquête de nouveaux clients !
Il est commun de lire que fidéliser un client revient 3 à 10 fois moins cher que d’en conquérir un nouveau.
Or, écouter les clients, mesurer leur satisfaction, c’est garantir un meilleur engagement. Et la fidélité est très corrélée à l’engagement. Un client fidèle possède une relation de confiance avec la société / la marque, il la connaît et reconnaît sa valeur ajoutée, il aura tendance à consommer plus, et à recommander la société / la marque à son entourage.
5. Développer des campagnes marketing et communication ciblées
Interroger le client sur sa satisfaction permet de segmenter, voire de sous-segmenter ses clients en fonction de leur degré de satisfaction. Le marketing et la communication pourront agir en adressant des messages et des offres à des segments de clients ayant des besoins différents :
- A un client "détracteur", il faut adresser une offre attractive pour qu’il garde le contact avec la marque / la société, après un épisode où il aura pu être déçu.
- Un client "passif" n’a pas développé un lien suffisamment fort avec la société pour être devenu promoteur. Il faut lui diffuser de l’information, communiquer sur l’ensemble des offres de la société, et pourquoi pas l’inciter à découvrir un autre produit ou service que celui dont il a déjà fait l’acquisition.
- Un client "promoteur" doit bénéficier des programmes mis en place pour les clients fidèles : parrainage, cartes de fidélité, invitation à des événements VIP, etc. Aujourd’hui, un client peut facilement devenir un ambassadeur de vos produits ou services via les réseaux sociaux, et ainsi générer du bouche-à-oreilles positif !
6. Mettre en œuvre un processus d'amélioration continue / Améliorer son mode de fonctionnement
Mesurer la satisfaction de ses clients n’est pas une activité qui doit se cantonner à un département de l’entreprise. C’est l’affaire de tous dans l’entreprise.
Certes ce projet de pilotage pourra être affecté à une équipe particulière pour sa coordination, mais les résultats de la mesure n’impacteront pas seulement le département vente (satisfaction de la relation avec un commercial) ou marketing (satisfaction envers le produit ou le service). En effet, une grande partie des services peuvent avoir une influence, positive ou pas, sur l'expérience client.
Peut-être les questionnaires mettront-ils en évidence un problème logistique, un problème d’accueil téléphonique, un problème de service après-vente ? Et peut-être aussi mettront-ils à jour des difficultés de communication à l’intérieur de l’entreprise, ou des processus internes peu fluides par exemple.
Autant d’enseignements à prendre en considération pour faire évoluer les modes de fonctionnement de l’entreprise dans le bon sens !
7. Améliorer la collaboration de tous les services de l'entreprise
La mise en œuvre d'une démarche de pilotage de la satisfaction client doit être présentée comme un projet central pour l’entreprise. Une erreur souvent commise est de confier la coordination du projet à une entité de l’entreprise, qui se sent ensuite responsable à elle seule de l’atteinte ou non des objectifs de satisfaction définis par le management.
Or, placer le client au cœur de l’organisation signifie que l’ensemble des collaborateurs doit mieux fonctionner ensemble, pour garantir de la cohérence dans les initiatives et la communication, de la réactivité en cas de problème, de la solidarité pour résoudre une problématique.
Il est donc capital de donner de l’importance au projet (cette impulsion doit venir des niveaux hiérarchiques les plus importants dans l’organisation), par exemple en organisant une grande réunion de lancement, et de prévoir une animation dans le temps.
8. Motiver les équipes
Un client mécontent est beaucoup plus bruyant qu'un client satisfait. Il est donc particulièrement gratifiant et motivant, particulièrement pour toutes les équipes en front office, de recevoir des informations positives sur la satisfaction de leur client, lorsque leur quotidien est souvent dédié au "déminage" de situations difficiles !
Mais il n’y a pas que les équipes les plus exposées au contact client qui peuvent se sentir motivées par une telle démarche. Mesurer l’évolution de la satisfaction de son client dans le temps peut être particulièrement valorisant car c’est une concrétisation des efforts accomplis par tous dans l’entreprise pour "faire bouger les choses dans le bon sens" (si l’évolution est en progression bien sûr !).
Quoi de plus motivant que de se savoir aimé de ses clients ?!
9. Développer de nouvelles idées d'offres de produits ou services pour l'entreprise
Lorsqu’un client est sollicité, il peut vous fournir une quantité d’informations déterminantes pour mieux comprendre votre société, vos concurrents, et bien sûr des besoins clients qui n’auraient pas encore été repérés. Ces informations pourront alimenter le travail du marketing dans la définition de nouvelles offres.
Mais à l’instar de Jeff Bezos à la tête d’Amazon, qui s’est toujours "nourri" de ses retours clients, et notamment des insatisfactions pour développer de nouveaux services toujours plus près de leurs attentes, nombreuses sont les organisations qui capitalisent sur les retours clients les moins bons pour innover. "Your most unhappy customers are your greatest source of learning" ("Vos consommateurs les plus mécontents sont votre plus grande source de connaissance") affirmait Bill Gates.
Déceler une insatisfaction peut permettre de révéler un besoin non identifié ou non formulé par les clients, et travailler à développer une réponse innovante à ce besoin peut permettre justement de « marquer des points » auprès des clients qui apprécieront qu’on ait été attentifs à leurs attentes.
Et aujourd’hui la technologie permet d’être particulièrement inventif pour trouver les moyens de répondre à une insatisfaction client "chronique".
Par exemple, l’un des plus grands motifs d’insatisfaction dans le monde du commerce, notamment dans l’habillement, se situe dans le fait de devoir faire la queue pour payer son article… parfois pendant un temps non négligeable. Parmi les premiers à avoir "délocalisé" les terminaux de paiement auprès de conseillers répartis dans la surface de vente, on peut compter Apple, mais aujourd’hui, des enseignes telles que Nike leur ont emboîté le pas.
10. Engager l'entreprise dans sa transformation digitale indispensable
Si le courrier peut demeurer, pour certains segments de la population, un support de la mesure de la satisfaction (par exemple auprès des personnes âgées), force est de constater qu’aujourd’hui le digital permet de recueillir instantanément et facilement un retour client, via un e-mail, un pop-up, les réseaux sociaux, etc.
Penser sa transformation digitale peut commencer par la mise en place d’une mesure de la satisfaction client, qui aura pour avantage d’impliquer en amont les différents services de l’entreprise avec une approche centrée sur le client.
Assigner un objectif concret à son évolution digitale permet de ne pas partir à la poursuite d’objectifs trop nombreux, de rendre concrète et opérationnelle cette première étape, et de se concentrer sur l’objectif principal : la meilleure relation client possible.
11. Utiliser ses bons résultats en communication, pour valoriser son organisation
En tant que femme de marketing et de communication, j’appréciais particulièrement de pouvoir utiliser des chiffres de satisfaction positifs pour illustrer la supériorité de ma marque dans les supports de communication (publicité, marketing direct, etc.) !
Désormais, la satisfaction client peut s’afficher en page d’accueil de votre site internet. De nombreux widgets peuvent être facilement intégrés sur les sites internet, pour donner la possibilité d’évaluer on-line les produits et services proposés, et d’afficher les fameuses « étoiles », une véritable « carte de visite de la satisfaction » qui peut asseoir votre crédibilité auprès des internautes.
12. Interroger le client sur sa satisfaction... augmente sa satisfaction !
Lorsqu’on interroge un client sur sa satisfaction, cela veut dire qu’on prend en considération son avis, et qu’on s’intéresse à lui. La simple mise en place de la démarche de satisfaction permet au client de se sentir écouté, et valorisé, ce qui a un impact positif sur sa perception de l’entreprise, et par ricochet, influence sa satisfaction.
Un article paru dans le magazine Harvard Business Review de janvier-février 2017 évoquait même « le pouvoir de l’enquête positive » (The power of positive surveying , à savoir que poser une question positive dès le début d’un questionnaire, du type "Qu’avez-vous trouvé de particulièrement intéressant dans cet article ?" générait des scores de satisfaction plus élevés ! Une des explications réside dans le fait que du point de vue psychologique, donner un retour positif nous fait nous sentir… tout simplement bien !
Et vous… êtes-vous satisfait(e) de cet article ?!
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