Lorsque je passais mes premiers entretiens pour des postes en marketing au début de ma carrière, on me demandait souvent pourquoi j'avais choisi cette voie…
Cerveau gauche, cerveau droit
Ma réponse était que le marketing s'intéressait à l'humain (ce qui me plaît !), et que c'était une discipline complète qui nécessitait à la fois des "hard skills" (connaissances des techniques du marketing), mais aussi beaucoup des "soft skills", en particulier la capacité à communiquer avec les autres. J’aimais l’idée de cet équilibre entre le cerveau gauche logique, séquentiel et rationnel, et le cerveau droit, intuitif, innovant, synthétique.
Bien sûr, la fonction marketing comprend en son cœur une forte composante d’analyse, de reporting, de manipulation de données, activités qui sont clef dans la détermination des meilleures stratégies à adopter, et qui garantissent que les initiatives déployées apporteront un retour sur investissement optimal.
Aujourd'hui, l'ère du "Big data" pourrait faire croire que le marketing n’est plus qu’une activité de "laboratoire". En effet, l'analyse doit se mener sur des données toujours plus nombreuses : 90% des données disponibles aujourd'hui n'existaient pas il y a deux ans ! (1). Dans le digital, on planifie, on lance, on teste, on mesure, on ajuste, et tout cela derrière un clavier !
Néanmoins, au-delà des indispensables qualités d'analyse nécessaires à tout marketeur, il faut à celui-ci une panoplie de qualités selon moi incontournables : de l'intuition, un brin de créativité, un côté visionnaire, beaucoup de curiosité d’esprit et encore plus... une excellente intelligence relationnelle.
La fonction de marketing / communication, c'est avant tout une histoire de relations.
Il y a près de 20 ans, je décrivais la femme / l’homme de marketing tel un "chef d'orchestre" dans une interview que j'avais donnée à l'Express, alors toute jeune chef de produits chez Lindt (j’ai récemment retrouvé un exemplaire de ce magazine que j’avais gardé précieusement, et qui avait rendu ma grand-mère si fière…).
A l'extérieur en effet, il faut savoir nouer et entretenir des relations avec ses partenaires, et ceux-ci peuvent être nombreux : agences de communication (grand public, et/ou spécialisée ), "grands" médias (TV, radio, presse), spécialistes du digital (avec toutes leurs ramifications – spécialiste Adwords, native ads, programmatique, réseaux sociaux, etc.), experts en relations presse, agences d’événementiel, instituts d’études de marché, prestataires en marketing direct, agences spécialisées en CRM, agences de packaging, sociétés de solutions en géomarketing, centre d’appels externalisé, fabricants (dans le retail), autres marques (dans le cadre de co-branding par exemple), sociétés de merchandising, de PLV, et je dois en oublier !
Je réalise en écrivant ces lignes que j’ai été effectivement amenée à travailler simultanément avec la quasi-totalité des contacts décrits dans cette liste, en direct ou via mes équipes, ce qui donne un peu le vertige ! Et même si un marketeur n’est pas nécessairement en contact, pour les besoins de son poste, avec un nombre aussi important d’interlocuteurs en externe, le marketing et la communication demeurent des métiers de contact.
L'enjeu est donc de taille : il faut communiquer ses besoins le plus clairement possible, et savoir écouter ses partenaires. Pour obtenir le meilleur de ses équipes (externes comme internes), il faut travailler en confiance et se respecter.
Je n'ai jamais fait partie des personnes de marketing considérant que l'on obtient le meilleur de ses partenaires en les pressant, en étant autoritaire, en demandant du travail dans des délais intenables quand on peut faire preuve d'anticipation. J’ai remarqué à ce titre que les "urgences" n’en sont souvent pas, et que des projets deviennent urgents parce que l’on n’a pas suffisamment bien organisé son travail en amont (ah, les vertus du rétroplanning !).
Cela m'avait valu, dans mon tout premier poste, la remarque suivante "mais Audrey, vous travaillez pour nous ou pour les prestataires ?!". Question que j’avais trouvée incongrue au vu des résultats obtenus alors : un catalogue réalisé en un temps record, apprécié par les clients, dans le budget imparti... tout en ayant conservé une bonne relation avec le partenaire, chose d'autant plus difficile que l'on travaille sous l'insoutenable pression du temps !
Bien sûr il existe quelques règles d'or du "donneur d’ordre" (marketeur ou pas d’ailleurs).
Parmi les bonnes pratiques, on notera :
- Etre clair sur sa stratégie et ses besoins par rapport au partenaire
- Savoir rédiger un brief / cahier des charges : bien cadrer le sujet, tout en laissant assez d'espace à la créativité du partenaire, et être très clair dès le début sur les livrables attendus
- Prioriser ses demandes
- Donner des délais réalistes : pour cela, se demander dans quel état d’esprit on se trouve quand une personne de sa société vous demande de réaliser un travail dans la demi-journée qui suit alors que vous aviez prévu de finir 3 autres projets cet après-midi-là…
- Définir une enveloppe budgétaire cohérente et adaptée à ses objectifs et aux livrables attendus
- Savoir donner un retour construit et factuel : bannir le "j’aime / j’aime pas"
Souvent d'ailleurs, c'est le manque de clarté dans la stratégie et les objectifs qui entraîne des difficultés dans la gestion du dossier et par ricochet, dans la relation.
De son côté, le partenaire doit faire preuve de qualités d'écoute importantes et ne pas vouloir imposer "sa" solution sans tenir compte du contexte de l'entreprise, des contraintes de son interlocuteur, des pressions auxquelles celui-ci est soumis. J'ai toujours apprécié qu'un partenaire réponde à mon problème avec un "nous allons trouver une solution", ce qui n’a pas toujours été le cas.
Et parallèlement, j'ai toujours essayé de faire la part des choses et d’éviter de formuler des demandes impossibles à satisfaire en termes de qualité / coût / délai. Pour atteindre mes objectifs, j’ai préféré sensibiliser mes partenaires à l’urgence / l’importance de certains de mes dossiers, en travaillant avec eux à la meilleure façon de résoudre mon problème dans les temps et les budgets impartis, et en recherchant ensemble des solutions.
Mais la femme ou l’homme de Marketing doit aussi savoir vendre son projet en interne !
Il doit convaincre sa hiérarchie, le terrain, la R&D, toute la société, pour générer de "l’engagement", terme très prisé aujourd’hui dans le monde du digital, mais tellement important dans le monde "physique" ! Quel marketeur / communicant ne s’est pas senti maintes fois dans sa vie professionnelle agir tel un évangéliste dans sa propre société ?
Encore aujourd’hui, le marketing et la communication ne sont pas nécessairement des fonctions considérées comme essentielles dans toutes les entreprises, et en tous cas, les budgets marketing et communication sont souvent victimes des coupes budgétaires en cours d’exercice, pour atteindre le profit sur lequel la société s’est engagée (combien de fois ai-je entendu "le Marketing, c’est un centre de coût" !).
La détermination, la confiance en soi et en ses recommandations, ainsi qu’un sens commercial bien développé sont indispensables pour déployer un projet en interne ou défendre un budget.
Et pour les managers, qu’ils soient hiérarchiques ou fonctionnels, il s’agit de déployer tout leur leadership pour inspirer les équipes autour d’eux, les aider à dépasser leurs propres limites, leur cadre, pour délivrer en permanence de nouvelles idées et les mettre en œuvre toujours plus rapidement, dans le cadre de la stratégie décidée.
Certes ces compétences sont clefs pour tous les managers, mais le marketing est généralement à l'origine des évolutions impactant le cœur des sociétés : leur offre, leur image. C’est une fonction qui a vocation à s’adapter en permanence à un environnement qui évolue à grande vitesse. Un marketing dynamique, en forme, enthousiaste pourra pousser les murs, challenger l'existant, et ainsi permettre à l’entreprise de faire face non seulement à ses défis d’aujourd’hui, mais aussi ceux de demain.
Back to human basics
Pour conclure, je ferai référence à une conférence à l'ESCP Europe dans le cadre de la chaire E. Leclerc sur le thème "Le commerce dans la société 4.0", à laquelle j'ai assisté récemment. Régine Vanheems, professeure en sciences de gestion de l'Université de Lyon 3, y a fait une brillante présentation sur la nécessité de déploiement de stratégies Omnicanal dans le retail (2). J'ai retenu de son discours une phrase qui m'a marquée : "Face aux écrans froids et sans âme, l'humain va devoir reprendre sa place au sein du commerce".
Aujourd'hui je reprends donc ses mots :
"A l'ère du Big data tout puissant, l'humain doit garder toute sa place dans la fonction marketing / communication ! »
Votre opinion (marketeur / communicant ou non !) m'intéresse, alors, n’hésitez pas à la partager avec moi !
- (1) Nicolaus Henke, Mc Kinsey, extract from the podcast "How to win in the age of analytics » - January 2017
- (2) Réussir sa stratégie cross et omnicanal - Régine Vanheems - Editions EMS Management et Société
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